Devant le box de mon cheval, j'étais en train de me lamenter. En effet, Dark, tout content de sa sortie au pré en avait profité pour se rouler maintes et maintes fois dont au moins une dans un endroit boueux... Sa belle robe avait pris une teinte chocolat pas du tout naturelle, quelques brins d'herbe lui collaient encore au flanc, sans parler de tous ceux qu'il avait dans sa crinière complètement emmêlée! Il allait me falloir un moment pour lui rendre tout son éclat...
Dark m'accueillit au box gentiment, les oreilles en avant.
" Coucou, toi! J'ai l'impression que tu vas bien ce matin, pas vrai? Regarde-moi ça je vais en avoir pour des heures à te nettoyer! Tu ne pouvais vraiment pas te rouler ailleurs que dans la seule flaque de boue du pré?"
Je secouais la tête avec un sourire. J'avais intérêt à m'y mettre tout de suite si je comptais faire un peu travailler mon cheval aujourd'hui. Après quelques caresses sur l'encolure, je lui passai mon licol et y fixai la longe. J'allais l'attacher au mur de pansage où se trouvait une douche. Bien qu'il ne fasse pas très chaud, j'allais devoir lui doucher les membres pour décoller les saletés qui s'y étaient accumulées.
Parvenue à l'aire de pansage, j'allai chercher ma mallette et me mis au travail. Mon cheval m'avait l'air bien énergique aujourd'hui. Il bougeait sans cesse, grattait du sabot sur le sol, mordillait le noeud de la longe et hennissait si un cheval passait la tête par dessus la porte d'un box à proximité.
" Dark, s'il te plaît! Comment tu veux que j'y arrive? Tiens-toi un peu tranquille! "
L'étrille avait bien du mal à décrotter les poils collés par la boue. Mais avec un peu d'huile de coude, je parvins à obtenir un résultat satisfaisant. Chaque brosse m'était particulièrement utile aujourd'hui. Le bouchon fit tomber les plaques de boue qu'il avait sur le corps et la brosse douce redonna un petit coup de brillant aux poils. Pour la crinière, je dus me servir du bouchon et d'un peigne. Je n'avais pas de démêlant à disposition et je regrettai sincèrement de ne pas en avoir acheté! Je veillais à ne pas abîmer les crins mais parfois les noeuds étaient tels que j'étais à deux doigts de prendre une paire de ciseaux.
Je frottai ses membres, d'abord avec les brosses avec l'énergie du désespoir. Quand j'eus enlevé le maximum de boue, je pris le tuyaux de la douche, réglai la puissance du jet ou ouvris l'eau. Dark coucha aussitôt les oreilles en arrière et piaffa, soudain nerveux. Au contact de l'eau froide sur ses membres, il sembla faire un bond en arrière mais il s'immobilisa, très inquiet. Je le sentais prêt à paniquer. J'ignorais totalement qu'il avait ainsi peur de la douche.
" Doucement, Dark! Tiens, regarde je l'arrête... "
Je coupai l'eau. Inutile d'insister, je risquais de le rendre plus nerveux encore. Je lui fis simplement sentir le tuyaux. Il le parcourut des naseaux, recula lorsque il renifla le bout où sortait l'eau et qu'une goutte lui tomba sur le nez puis s'en désintéressa. Je rouvris alors l'eau mais à tout petit débit et lui présentai de nouveau. Il accepta de s'en approcher pour le sentir une nouvelle fois, avec succès.
" C'est bien, super mon grand! Tu vois, ça ne va pas te manger! On réessaye? "
Toujours à faible débit, je dirigeais le jet vers ses membres. Dark ronfla un peu, toujours inquiet mais il acceptait ce petit contact. Quand il se rendrait comte que cela lui faisait du bien, il l'accepterait. Je dus donc me contenter de ce faible jet d'eau pour nettoyer ses jambes. J'y parvins finalement au bout d'un moment. Ce n'était pas brillant et il n'était pas parfaitement propre mais il était présentable. Je séchai ses membres pour éviter les crevasses puis je le détachai pour le faire marcher un peu et être sûr qu'il soit bien sec.
Une fois propre, je me dirigeai avec mon cheval vers les boxes et l'attachai quelques minutes dans l'allée des écuries pour aller chercher son filet et une chambrière. Au programme aujourd'hui, longe et monte à cru si tout se passait bien.
Nous refîmes le chemin inverse. Le rond de longe étant déjà occupé, je décidai d'aller dans une carrière. Je posai mon filet sur la barrière et m'avançait jusqu'au au centre de la carrière. La longe dans une main, la chambrière dans l'autre, j'envoyai mon cheval sur un cercle imaginaire. Nous fîmes quelques tours au pas, le temps pour nous deux de prendre un peu nos marques. Dark, toujours curieux marchait le nez en l'air en observant ce qui se passait autour.
" Dark! Au Trot !"
J'accompagnai mon ordre d'un petit mouvement de chambrière vers ses postérieurs. Le cheval réagit bien et passa au trot. Ses foulées étaient souples et très régulières. Bien sûr, il devait avoir l'habitude d'être travaillé ainsi. Il ne cherchait pas pour l'instant à couper son cercle et revenir vers moi. A moi de veiller à ce qu'il reste à sa place et moi à la mienne. A l'aide de petits bruits de langue, je l'encourageai à allonger l'allure. Il partit d'abord au galop mais je le refis passer au trot puis au pas. Après quelques minutes, je lui redemandai le départ au trot. Il s'exécuta calmement mais lorsqu'un oiseau passa à mi-hauteur tout près de lui, il décocha une ruade et piqua un bon galop tout autour de moi.
" Ho, Ho, du calme! Dark, du calme! Au pas!"
Je dus répéter cet ordre plusieurs fois avant qu'il ne consente à se calmer... Il n'avait pas l'air d'être effrayé, simplement très joueur. Je lui fis refaire quelques tours au trot pour l'obliger à se concentrer sur ce qu'il faisait. Cette fois tout se passa bien.
Un autre mouvement de chambrière et je lui autorisai cette fois à partir au galop. Il donna une autre ruade, secoua l'encolure et la tête, hennit puis partit dans un galop moyen. Il se calma progressivement, à son rythme et finit par revenir à un petit galop cadencé. Ses allures étaient superbes. Il possédait des allongements plutôt satisfaisants, j'avais hâte de le travailler à l'obstacle. Après quelques tours de galop, je le fis revenir au pas pour lui faire changer de main et nous travaillâmes de la même façon de l'autre côté. Je le laissai se défouler au galop jusqu'à ce qu'il se calme de lui-même.
" c'est bien, Dark! "
Je le fis arrêter par une petite pression sur la longe et l'amenai jusqu'à la barrière. Là, je lui mis le licol en collier avant de lui passer le filet et de mettre ma bombe. Puis je grimpai sur la barrière pour pouvoir monter car je n'étais pas capable de sauter sur son dos sans aucun appui. Monter à cru avait cet avantage d'améliorer l'assiette et de sentir beaucoup plus les mouvements de son cheval. Un bon début. Je saisis les rênes et le fis marcher, d'abord en cercle puis sur une bonne longueur de la carrière. Je n'avais pas de cravache et espérais ne pas avoir besoin de m'en servir. Grâce à la séance de longe, Dark avait satisfait son trop plein d'énergie. Néanmoins, il restait actif, prêt à bondir au moindre bruit. Je le fis passer au trot par une pression des mollets. Il s'exécuta sans difficultés. Je me mis en arrière pour suivre le mouvement du trot sans rebondir. Ses allures amples et cadencées n'étaient pas particulièrement confortables et j'employai toutes mes aides pour me garder stable sur son dos.
Je lui fis faire des cercles, aux deux mains. Il s'incurvait correctement, répondait à la moindre sollicitation de mes jambes ou de mes mains. Serpentine, voltes, huit de chiffres. Pas de problèmes, exercices basiques qu'il connaissait. Je le sentais plus raide à droite qu'à gauche mais son bon niveau de dressage lui permettait de garder une bonne attitude. Cependant, j'eus du mal à le mettre sur la main et n'y arrivai pas totalement. Il refusait de céder dans sa nuque, malgré mes efforts. Heureusement, son énergie naturelle lui donnait quand même une bonne impulsion. Je tentais ensuite quelques tours de galop. Contrairement au trot, l'amplitude de ses mouvements rendait son galop très agréable, tout en souplesse, facile à suivre pourvu que l'on contrôle sa vitesse. Il étendait bien l'encolure et avait donc besoin qu'on lui rende beaucoup de rênes. Je me rendis rapidement compte qu'il était hors de question de vouloir le tenir dans des rênes trop ajustées. Pour repasser au trot, je lui rendis un peu de rênes et fermai les doigts. Il se rassembla, releva l'encolure et changea d'allure.
" Ok, mon grand, je vois comment tu fonctionnes, c'est bien! On va s'entendre tous les deux, tu vas voir! En attendant tu as mérité ta carotte!"
Je terminai la séance par du pas, je descendis et flattai son encolure. Il s'ébroua. Je récupérai son licol, sa longe et l'emmenai en direction du mur de pansage où il aurait droit à une nouvelle séance de pansage intensif. Demain, il brillerait comme un sou neuf.